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Croire ou savoir – Chapitre II

Croire ou savoir : à la recherche de la distinction disparue

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Rien n’est plus simple que d’aller voir dans la Bible et dans le Coran, puis dans les dictionnaires, comment est utilisé et ce que signifie le mot que l’on traduit habituellement par « croire » : le verbe ā ;mn, ainsi que sa racine verbale, le verbe amn. Ce dernier et ses multiples déclinaisons (dont le célèbre Amen) possèdent un ensemble de significations relativement homogène puisque toutes tournent autour de la notion de sécurité. Sa signification première, disent les dictionnaires, est « le contraire de la peur ». Se sentir en sécurité, faire confiance, mettre en sécurité (un objet précieux mis en dépôt) sont quelques-unes des déclinaisons verbales. Les qualificatifs se rapporteront à la fidélité en général, à celui en qui on peut avoir confiance, ou à celui qui fait confiance.

Les utilisations du verbe dans la Bible juive tournent toujours autour du croire, dans le sens où l’on croit ce que quelqu’un dit, c’est-à-dire dans le sens de faire confiance. On croit Moïse lorsqu’il dit ceci, on refuse de croire Dieu lorsqu’il prévient de cela, on croit tel signe issu du Divin, etc. Il n’existe dans la Bible aucune utilisation du verbe « croire » dans le sens d’un savoir sur le monde ou dans le sens de la croyance en l’existence de quelque chose ou de quelqu’un ! Nulle part, par exemple, on ne lira qu’il faut ou qu’il ne faut pas croire aux fantômes, aux esprits, que la Terre est ronde ou plate, etc. ; en revanche on trouve une multitude de versets encourageant à ne pas croire (dans le sens de « ne pas faire confiance à… ») les astrologues, devins et autres voyants. En d’autres termes, le « croire » est constamment et systématiquement rapporté à un sujet, un être humain, un prophète, Dieu, ou aux Signes de ce dernier qui sont autant de manifestations de sa révélation.

Sans doute l’un des termes les puissants utilisés à partir des déclinaisons de amn est le mot « Amen », passé tel quel dans toutes les langues du monde et signifiant, dans la Bible comme dans le Coran, une adhésion à la Parole (ou, plus banalement, à une parole), une volonté de confirmation de celle-ci, dans le sens parfois utilisé de « ainsi soit-il ».

L’un des grands problèmes de la traduction a été l’utilisation de la locution « en vérité » (verily ou truly en anglais) en lieu et place du mot « Amen », en particulier dans le texte de l’Évangile selon St Jean où Jésus commence ses discours par ce mot. Il faut remarquer ici que l’Auteur de l’Évangile (rédigé en grec) choisit de ne pas remplacer Amen par un équivalent grec et garde le vocable d’origine. C’est dire l’importance de ce mot et, par suite, l’irresponsable négligence de ceux qui se sont permis de le traduire, alors que l’auteur lui-même s’était refusé à le faire. Il est à noter également que la traduction en latin (la Vulgate) faite par St Jérôme en 405, reprend le terme Amen, sans traduction. Exception faite de l’expression « ainsi soit-il », la seule traduction relativement acceptable de ce terme – et d’ailleurs utilisée dans certains textes – serait « assurément », qui permettrait de garder la notion de « confiance » ou de « sûreté », que le terme Amen porte à l’origine.

« En vérité » a ainsi significativement contribué à la transformation sémantique partie de l’adhésion volontaire à une Parole divine et glissant toujours plus vers l’idée de pistis, le fait de croire en une vérité connaissable avec plus ou moins de certitude. Et c’est ici qu’apparaît le problème : en effet le « croire » biblique ou coranique ne se rapporte jamais aux questions d’existence, empiriques ou métaphysiques. Il ne peut donc en aucun cas tomber dans la catégorie du savoir ! Ainsi, si l’on considère le verbe dont la racine est amn dans sa signification traditionnelle, on ne pourra pas dire par exemple « je crois aux fantômes », « je crois que la terre est ronde » ou « je crois à l’homéopathie ». Ces catégories de la croyance, surajoutées aux significations du verbe amn, ont contribué à polluer sa signification originale en arabe et en hébreu, seulement dans les temps récents, ajoutant aux dérives sémantiques que la traduction en grec (ou l’écriture en grec dans les textes du Nouveau Testament) avait déjà commencé à mettre en place.

Car il n’existe pas d’analogue à amn dans le texte grec des Écritures ! Ici, le mot utilisé dérive bien du substantif pistis (croyance) de même origine et de même construction qu’episteme (connaissance). Les auteurs des Évangiles n’avaient-ils pas d’autre choix dans le vocabulaire grec ? Pourquoi ce choix délibéré d’un terme clairement orienté vers le savoir ? Tout simplement, parce qu’en grec, il signifie aussi faire confiance. C’est donc au lecteur/traducteur d’opérer le choix.

S’il est en recherche d’un savoir, le terme « croire » signifiera pour lui un mode altéré de la connaissance (ex. « je crois qu’il va pleuvoir demain ») ; au mieux, il signifiera  » avoir foi « ou « confiance », mais dans le sens général et impersonnel où une affirmation quelconque peut être considérée comme digne de confiance, c’est-à-dire vraie ; si, en revanche, il est orienté vers un rapport à quelqu’un, le terme « croire » prendra le sens de « faire confiance »( ex. « je crois mon médecin », ou – encore plus assuré – « tu réussiras, je crois en toi »).

Il est à remarquer que dans les deux cas, il existe un rapport à la vérité. Cependant, dans le vocabulaire biblique et coranique cette vérité ne s’exprime pas d’elle-même : elle est toujours médiatisée par une personne qui porte ainsi la responsabilité de son erreur ou de son mensonge. Croire ce que dit le médecin, par exemple, signifie lui faire confiance pour accepter la véracité de ce qu’il dit, mais la confiance est accordée au médecin. Ainsi, le croire/faire confiance possède une caractéristique fondamentale pour le monothéisme : il ne prend sens que dans le rapport d’une personne à une autre. Croire Dieu, croire Moïse, croire Jésus ou croire Muhammad ne signifient nullement croire en leur existence (la question ne se pose même pas), cela signifie « accepter qu’ils disent la vérité » – plus précisément « accepter qu’ils sont sincères » – ce qui revient à dire « choisir de leur faire confiance ». Il s’agit ici d’un acte moral, engageant la responsabilité de tous les intervenants (ceux qui affirment et ceux qui choisissent de leur faire confiance).

D’ailleurs, pour confirmer ce qui précède, l’inverse du « croire » dans le texte des Écritures n’est pas le doute (dont l’opposé est la certitude), mais l’hésitation, la suspicion. Celui qui ne fait pas confiance, est quelqu’un qui argumente, qui hésite ou qui refuse. On est encore et toujours dans des catégories de l’agir, des catégories de la relation interpersonnelle, et par suite éthique.

Qui croire ?

La catégorie biblique et coranique du « croire » est donc exceptionnellement restrictive par rapport aux choix sémantiques grecs. On est bien dans une interrogation sociale et morale : qui croire ? Et non dans une interrogation cognitive, objective, répondant à la question que croire ? Comme souvent dans le cadre d’une démarche rationnelle, la réponse est surtout claire lorsqu’elle est émise sous une formulation négative. Ce que les Écritures nous disent est la chose suivante : « en dehors des précités (les prophètes, Dieu), surtout ne croire personne ! »

Ainsi, le problème qui est soulevé d’une manière cruciale est celui de la confiance, celle qui s’établit naturellement entre des individus proches, ou à l’intérieur d’un même groupe, celle qui s’établit forcément entre les faibles et les puissants, entre ceux qui veulent « faire croire » que leur puissance et leur domination n’ont pas de limite et ceux qui n’ont pas la force de réagir.

On dit souvent que les monothéismes sont des dogmatismes. Sur le plan théorique, cela ne fut jamais le cas, pour la simple raison que cette catégorie (celle de la croyance absolue en un donné, quel qu’il soit) est absente de la logique monothéiste ! Bien au contraire, s’il y a une recommandation que les Écritures martèlent c’est bien celle de « ne pas croire », dans le sens bien entendu de « ne surtout pas faire confiance ». Cette prescription est renforcée par la transcendance attribuée à Dieu et à son omniscience : aucun savoir humain ne peut être absolu pour la simple raison que le savoir absolu appartient uniquement à Dieu. La quête humaine du savoir est ainsi placée d’emblée dans le champ d’une quête ouverte à l’infini qui, certes, lui permet de progresser (toutes les connaissances ne se valent pas) mais qui ne l’autorise jamais à affirmer quoique ce soit d’une manière dogmatique.

En revanche, le doute/argumentation, le doute/hésitation n’est pas un droit, il est un devoir ! Pourquoi ne faut-il pas croire (dans le sens de faire confiance à…) n’importe qui ? Pour une raison très simple, qui nous ramène à l’essence du monothéisme : c’est précisément via la crédulité et la confiance sans questionnement que s’imposent les rapports de pouvoir au sein d’une tribu. Qu’est Ramsès, si le peuple ne croit pas en lui comme en un vrai dieu ? Que deviennent le sorcier du village, le guru de la secte, le voyant/astrologue, si l’on cessait de croire qu’ils disent la vérité ? Comment lancer les guerriers vers des batailles sanglantes s’ils mettent en question la parole du chef ?

Pour les thèmes les plus sensibles – et pour les âmes qui le sont tout autant – rien de plus aisé que de tomber dans le régime de la croyance/mise-en-confiance. Lorsqu’on est vulnérable (une faiblesse, une maladie, une crainte, une appréhension du sacré), l’on a d’autant plus facilement tendance à mettre sa confiance en n’importe quel marchand d’espoir. Lorsqu’on fait face au sacré – effrayant et fascinant – que représentent ceux qui prétendent avoir du pouvoir sur le monde, sur la maladie, sur les mauvais esprits, on a aussi tendance à se soumettre, à démettre l’esprit critique et à accepter de faire confiance.

Le fait de faire confiance est un trait humain dangereux car cette forme de crédulité est à la base de ce qui fait la soumission, de ce qui fait l’acceptation des mesures paralysantes et infantilisantes propres aux us et aux coutumes, aux traditions, à l’obéissance aveugle. Surtout, le faire-confiance interdit que l’on se sépare de son groupe, que l’on s’interroge sur lui, sur ses actes ; ainsi, en même temps que l’on fait confiance, on abdique toute individualité et tout esprit critique.

Le faire-confiance est donc un acte grave, que les humains utilisent à tort et à travers dans un processus d’aliénation mentale et physique dont, parfois, ils n’ont même pas conscience. En demandant aux humains de « ne faire confiance qu’à Dieu et à ses Prophètes », le monothéisme vise, de fait, à les libérer des autres modalités de confiance auxquelles ils ont trop tendance à se soumettre. Car, au fond, l’interdiction que Dieu commande à Moïse d’avoir d' »autres dieux », ne signifie-t-elle pas tout simplement que – le « vrai « Dieu étant transcendant – il ne peut y avoir sur terre que de « faux dieux », c’est-à-dire rien que de « fausses confiances », des confiances placées en des êtres qui ne les méritent pas ?

Du croire au vouloir

Mais, à supposer que le raisonnement qui précède soit correct, que deviennent alors les catégories du « savoir » et du « croire » monothéistes ? C’est là que nous nous retrouvons dans le plus important retournement de logique de l’histoire de la rationalité. Car, en fin de compte, pourquoi mettrai-je ma confiance en un Dieu transcendant alors que tant d’autres (le maître d’école, le médecin, le Président de la République, le policier) semblent tous avoir un droit à revendiquer cette confiance et, qui plus est, avec d’autant plus d’acuité que tous la demandent (l’exigent) ici et maintenant ? N’a-t-on pas intérêt à faire confiance à ces autorités dont on est certain que l’existence est bien réelle et par rapport auxquelles la désobéissance attirera des désagréments tout aussi réels ?

Les petits dieux immanents ont le privilège d’avoir une existence indiscutable. Mais le Dieu transcendant, comment puis-je savoir qu’il existe ? De quel argument peut-il se prévaloir pour indiquer clairement son existence, aussi clairement par exemple, que le représentant de l’autorité publique qui m’intime l’ordre de passer mon chemin…ou de m’arrêter au bord de la route. La transcendance ne se manifeste pas dans l’immanence (ou – depuis l’incarnation – si peu !). Laissant à l’être humain le choix de mener sa vie librement, elle lui laisse aussi la liberté d’accepter de faire confiance ou non. Comme le « choix de Dieu » n’est pas (ne pourra jamais être) un acte de savoir, il est donc nécessairement un « acte de vouloir ». Jamais, les Écritures n’ont demandé à l’Homme de croire en l’existence de Dieu selon les modalités grecques de la croyance. D’ailleurs, non seulement cette croyance serait sans légitimation aucune mais, de plus, elle relèguerait le concept de transcendance dans la catégorie de la pistis grecque, celle d’un savoir dégénéré, un savoir folklorique analogue à celui de la croyance aux fantômes ou à…Zeus. La seule chose que les textes proposent est de « faire confiance à Dieu », ce qui signifie en premier lieu de faire confiance à ses messagers, Moïse, Isaïe ou Jonas, lorsqu’ils disent avoir reçu une parole du Seigneur.

La peur et l’espérance

Ici, ce n’est donc nullement la capacité de savoir de l’être humain qui est convoquée – exit l’analyse historico-critique de la Bible ! – pas plus que sa capacité d’interprétation – exit l’herméneutique sous toutes ses formes ! – mais sa capacité de volonté, une capacité tout aussi intellectuelle fondée sur le raisonnement individuel, l’imagination et la possibilité de projeter dans le futur. Qui plus est, l’exercice de cette capacité est fort exigeant puisque – en tournant la confiance de l’être humain vers la transcendance et uniquement vers elle – il impose une lutte constante contre deux peurs immanentes quasi-naturelles ; celle par laquelle les autorités (les dieux terrestres) réussissent en général à s’imposer et celle, concomitante à la première, contre laquelle ces mêmes autorités font des promesses qui leur permettent d’asseoir leur pouvoir.

Le « choix de Dieu » est donc un véritable choix, exigeant effort et responsabilité (d’ailleurs, sur un plan théologique, seule l’aide de la Grâce divine permet de l’accomplir). Il s’agit de faire confiance dans un saut vers l’inconnu, une confiance qui ne peut se manifester que dans un exercice constant de la volonté puisque toutes les autres formes du faire-confiance se réduisent à des tendances naturelles, non réfléchies, aussi piégeantes qu’elles sont indifférentes à toute forme de liberté individuelle et d’esprit critique. En même temps que la volonté humaine est convoquée, elle est, de ce fait même, aussi instituée. Dieu est un être de volonté (« que ta Volonté soit faite ») et il a créé l’être humain à son image.

Le faire-confiance qui est supposé s’établir en faveur de la transcendance n’est pas un exercice de facilité. Contrairement à ce que Freud par exemple y a vu – projection du père terrestre sur le Père céleste – c’est une démarche réfléchie et extrêmement sophistiquée qui est censée ainsi remplacer une démarche naturelle, banale, celle de la confiance mal placée dans les autorités immanentes auto-légitimées. La Torah rapporte avec clarté et simplicité la difficulté que trouve le peuple hébreu à passer de sa confiance aveugle en ses coutumes et traditions vers la confiance en un Dieu dont la visibilité est loin d’être évidente à tous, un Dieu qui exige des efforts que le Peuple ne se sent guère le courage d’accomplir.

Mais c’est aussi l’une des plus graves erreurs des analystes de mythes de ne pas avoir compris que la confiance en Dieu est contraire à la simplicité de la crédulité mythique. Faire confiance à Dieu implique une difficulté et une austérité rationnelles exigeantes car elles imposent d’abandonner les confiances passées, celles que l’on porte à toute cette foule de faux-dieux qui profitent du désarroi humain pour lui apporter des solutions mensongères.

Cependant – et là, le sceptique « chronique » pourra insister – rien ne dit que la confiance mise en Dieu pourra apporter autre chose qu’une solution mensongère ! Cet argument lui aussi est pris en compte dans la Révélation : certes, il n’y a aucun moyen de vérifier que la promesse divine vaut mieux que les promesses qui pullulent dans la vie courante. Pourquoi dans ce cas faire confiance à Dieu ? Deux raisons :
– la première est immanente et négative : pour se libérer de la confiance faussement mise dans les idoles, puisque celles-ci ne sont porteuses que d’illusions,
– la seconde est transcendante et positive : pour transformer la mise en confiance en une espérance.

C’est donc l’espérance qui est la clé de voûte de la totalité du système, non seulement l’espérance dans l’au-delà (une eschatologie parue relativement tard dans la conscience monothéiste), mais aussi celle d’un monde meilleur ici et maintenant, à partir du moment où les êtres humains auront renoncé à leurs tendances idolâtres et aux comportements mortifères qui les accompagnent. On revient donc au principe de base, à la raison d’être, du monothéisme : l’institution de l’être humain, en tant que personne singulière, rationnelle et dotée d’un esprit à la fois critique et éthique, un esprit qui refuse les mensonges et les fausses promesses et qui garantit son propre salut – immanent et transcendant, personnel et collectif – en l’accomplissant dans son propre être et en s’aidant uniquement de la Grâce divine.

L’espérance investie en Dieu ne sert pas seulement à penser l’au-delà comme un monde meilleur. Elle a également des fins éthiques et politiques bien terrestres, puisque c’est grâce à la confiance en la transcendance – une confiance qui équivaut à faire un pari sur Dieu, à la manière de Pascal – que l’on peut en retour élever l’être humain vers ce statut. Après tout, pourquoi faire confiance à l’humanité (universelle et singulière) si ce n’est en raison, précisément, de cette part de transcendance que l’on voudrait voir en elle ? Et comment faire pour que cette part de transcendance advienne aux individus humains, autrement qu’en les traitant comme des êtres possédant en eux, au moins potentiellement, une parcelle de transcendance ? Ainsi, le monothéisme fait le pari d’établir ce qui est divin en l’homme, au lieu de ramener Dieu vers les humains, ce que l’anthropologie religieuse – à prétention scientifique – ne manque jamais de faire, faussant de ce fait même la compréhension de la révolution monothéiste.

Fausses croyances et vrais mythes

Le fait est, qu’actuellement, dans les esprits (y compris « croyants »), la conception immanentiste de l’anthropologie religieuse prédomine. Envahis par la raison scientifique, celle de la connaissance, nous oublions jusqu’à la possibilité d’une autre forme de rationalité, et appliquons à la lecture de la Bible les mêmes critères qu’à l’analyse des mythes. Le déluge a-t-il vraiment eu lieu ? Marie était-elle vraiment vierge ? Jésus a-t-il vraiment existé ? Faut-il vraiment « croire » tout cela ? Mais encore plus grave, on a généralisé sur le monothéisme l’idée que sa condition sine qua non, sa raison d’être est la croyance ontologique (à la grecque) en l’existence de Dieu. Ainsi, pour une très grande majorité de gens « croire en Dieu » ne signifie plus avoir confiance en lui, mais bien « croire en son existence ».

On remarquera, dès le premier abord, ce que cette notion de « croyance » a de péjoratif. En effet, dans l’esprit « scientifique » qui domine nos civilisations contemporaines, l’utilisation du mot croyance accompagne surtout des termes tels que « superstitions », « légendes », etc. Ainsi, la croyance en Dieu se retrouve de fait placée dans la même catégorie que tous les folklores et autres mythologies que les monothéismes voulaient critiquer.

Il faut dire que les apôtres du dogmatisme, sous toutes ses formes, se battent en effet à coups de croyances et de croyances opposées. On peut ainsi mentionner tous les « illuminés de Dieu » qui ont des certitudes absolues dont ils affirment qu’elles sont bien tirées de la Bible ou du Coran. Mais on peut également citer, et le problème est de même nature !, ceux qui, parce qu’ils « croient en Dieu », rejettent ceux qui « croient en Darwin »…et réciproquement ! Ainsi, croire et savoir se retrouvent identiquement, mais tout aussi faussement, au cœur d’une multitude de conflits qui ne se rapportent plus que de très loin au faire-confiance du monothéisme des Écritures ou à la connaissance en évolution constante des vérités scientifiques.

Cette constatation n’a pas que des conséquences théoriques. Les guerres tribales, les guerres des « adeptes » de croyances différentes, posent crucialement des questions éthiques et politiques, des questions dont dépend rien moins que le futur de l’humanité. Mais c’est précisément de ces guerres que le monothéisme des Écritures (et non nécessairement celui des « adeptes ») a tenté (et tente toujours) de sauver l’être humain. Avec quel résultat ? Là aussi il faudra sans doute faire confiance à Dieu…car seul lui peut savoir.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En effet, il reste encore à comprendre pourquoi et comment la question de l’existence en général – et celle de l’existence de Dieu en particulier – a pu prendre un telle place dans les esprits, du moins en Occident. Reste encore également à explorer les finesses et les nuances qui gravitent autour de la question de la confiance dans le système monothéiste. Affaire à suivre…